VOUS AVEZ SANS DOUTE VU LES IMAGES DE POLICIERS TORTURANT GEORGE FLOYD, UN HOMME NOIR, en pleine rue, jusqu’à la mort, à Minneapolis.
Très vite, Noirs, Blancs, Asiatiques américains et autres se sont unis, avec une solidarité rare à ce niveau, pour protester et pour lutter. La protestation et le début de leur lutte se sont notamment manifestés par l’incendie d’une police station locale (équivalent d’un commissariat), sans faire aucune victime. Ce ne sont pas les « pommes pourries » de l’institution policière américaine qui sont visées, mais l’institution elle-même (Hauck et al., 2020).
Comme dirait le Sioux John Trudell, quand quelque chose a été profanée, que ce soit l’Amérique à l’époque de Trudell ou l’institution policière américaine depuis sa création, il faut brûler son symbole.
A titre personnel, je suis heureux de voir des gens brûler le symbole de la brutalité policière. En l’occurrence, le symbole prend la forme d’un commissariat. Il s’agit d’un acte non-violent dès lors qu’on ne cherche pas à tuer ou à blesser autrui. C’est un acte nécessaire pour commencer à se libérer d’une violence institutionnalisée. Il s’agit-là, en brûlant cet édifice parmi d’autres, de condamner le meurtre, la torture, la brutalité policière quotidienne dans son ensemble. Il s’agit de dire, si vous continuez, nous tenterons de détruire la totalité de l’infrastructure nécessaire à votre brutalité à notre égard.
Ce n’est pas une réaction émotionnelle. C’est un acte sensé, bien réfléchi, cohérent, juste.
Quant aux « pillages » de magasins sans intention de blesser ni de tuer quiconque, qui sont les véritables pilleurs ? A Minneapolis ou ailleurs, ce ne sont pas ceux et celles qui embarquent, dans les magasins de grands groupes, un paquet d’iPhones, du matos informatique dernier cri ou 10 kilos de leurs denrées favorites, après des années, des décennies, ou des générations d’asservissement socio-économique. Ils reprennent juste une fraction minuscule de ce qui leur a été volé. Les véritables pilleurs, ce sont ceux et celles qui s’engraissent sciemment sur le dos des précaires ; ceux et celles qui leur dérobent de ressources élémentaires (terres, logements décents, matériel et infrastructure indispensables pour créer son activité ou vivre décemment…).
Certes, il existe une vraie différence entre prendre des produits dans un supermarché d’un grand groupe et se servir dans le petit commerce d’une famille peu aisée qui n’en possède pas d’autres. La seconde action n’a rien d’équitable et de juste. Quoiqu’il en soit, si l’on répond aux demandes de Black Lives Matter et de leurs amis, il est presque certain que la quasi totalité des actions de ce type s’arrêteront ou que leur nombre diminuera considérablement.
Black Lives Matter propose depuis des années de gérer eux-même les problèmes de délinquance, de drogues, etc., dans leurs quartiers urbains, en y excluant la police. L’idée consiste à développer un ensemble de « stratégies alternatives pour maintenir la sécurité et pour résoudre les conflits ». Pour fonctionner, ces stratégies ont besoin d’un bien meilleur « accès au travail [qui a du sens], aux nourritures saines et à l’habitat » dans ces quartiers. Black Lives Matter fait pression pour obtenir « une réponse communautaire aux problèmes sociaux plutôt qu’une réponse policière aux problèmes sociaux » (Bautista Duran and Simon, 2019, p.96-97; The Marshall Project, 2018).
Depuis le meurtre de George Floyd, Black Lives Matter « demande l’arrêt du financement de la police. Nous exigeons l’investissement dans nos communautés ainsi que des ressources afin d’assurer que les Noirs ne se contentent pas de survivre, mais qu’ils puissent prospérer ». C’est ce qu’il faut faire. Ici aussi, en Europe (Black Lives Matter, 2020).
Tellement de personnes ont peur de perdre « leur » police, institution nocive qui protège avant tout des privilèges matériels maintenus au détriment d’autres personnes. Ces personnes apeurées souffrent évidemment de sérieux problèmes mentaux et psychologiques. Leur principal problème ne réside pas dans ces problèmes eux-mêmes. Non, leur vrai problème, c’est le manque de respect de ces personnes pour elles-mêmes et vis-à vis de leurs semblables. Si ces personnes se respectaient réellement, elles chercheraient à régler leurs problèmes intérieurs en priorité. Elles savent très bien qu’elles ont un problème. Elles en sont pleinement conscientes. Elles transfigurent leur problème en une sorte de meilleur des mondes possibles selon elles, plus ou moins démocratiques, à imposer aux autres : their law and order, malhonnête et brutal.
31 mai 2020 – La lutte se poursuit et pourrait bien s’intensifier. Répertorier, analyser et garder en mémoire les actions brutales ordonnées par les autorités dans les différentes villes où la rébellion se manifeste devient une nécessité. Chaque personne dotée d’autorité se voit offrir l’opportunité de résoudre ses problèmes, de se respecter et de respecter tous les acteurs de la rébellion. Il est grand temps d’inviter ces derniers à dialoguer sur leurs besoins dans leurs communautés, afin qu’ils puissent y prospérer, et de répondre à ces besoins le plus rapidement possible. Vous, les autorités, devaient d’abord respecter les acteurs de la rébellion. Vous n’envoyez pas la police ou la garde nationale. Vous les respectez d’abord. Dans le cas contraire, on se souviendra de vous, les autorités, comme des individus désaxés, accros volontaires à la brutalité, planquées derrières vos armes. Votre choix entre l’équilibre et le déséquilibre.
Sources
Bautista Duran E. and Simon J., 2019. Police abolitionist discourse? Why it has been missing (and why it matters). In Miller E. J. and Rice Lave T., editors. The Cambridge handbook of policing in the United States. Cambridge University Press. 610 p.
Black Lives Matter, 2020. Sign the Petition: #DefundThePolice. 5/31/2020.
Hauck G. et al., 2020. ‘No justice, no peace’: Protesters breach Minneapolis police precinct, set fires in the wake of George Floyd’s death. USA Today. 5/30/2020.
The Marshall Project, 2018. Police Abolition: A curated collection of links. 5/30/2020.
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