7/4/2017
Certains reconnaîtront les lieux…
A 1,5 kilomètre de chez nous, le 26 mars.
ON VIENT D’EMMENAGER en provenance des terres samariennes et après 1000 bornes à bord d’un camion de 20m3 (sympa sur autoroute, beaucoup moins sur place étroite avec fontaine). On a de quoi s’amuser : 100 cartons à déballer et une série de petits meubles à monter.
Nous voici dans notre petit appart’ à aménager en lumière naturelle issue d’une seule source : un ch’tio velux sur le toit d’un immeuble, mais aucune fenêtre, l’unique volet de notre baie vitrée étant coulissant… et électrique. Nos deux petites lampes frontales (à recharger périodiquement…) nous aident bien en soirée.
En dehors du léger tracas de l’appart’ encombré de cartons et vite empoussiéré, la vie est belle sans électricité ni eau chaude. On a tendance à se coucher un peu plus tôt ; on a le droit à une toilette vivifiante à l’eau froide ; on déjeune au réchaud sur notre placette locale dans une atmosphère printanière ; on tente de décrocher l’un des (rares) jobs locaux via la connexion internet de la communauté de communes ; j’écris cet article sur mon portable à la médiathèque municipale ; et on marche beaucoup.
Par écœurement d’une France sur-pétrolisée, de l’air vicié de ses grosses villes et de son climat en surchauffe, on n’a pas d’auto. Pour se rendre à la laverie du coin, il faut compter environ deux heures de marche aller-retour. Pour y aller, on arpente un sentier, nos sacs de bivouac bien remplis sur le dos, mode « sherpa light ». Après la traversée de notre petite ville et de son plateau agropastoral dominé par les alpages et les sommets enneigés, on plonge de 150 mètres vers la vallée. On débouche sur notre glorieuse « civilisation » (grande route embouteillée) à 17h20. On ne s’y attarde pas, bien contents de remonter en suant vers notre 2-pièces sans EDF (en attendant une connexion dénucléarisée via Planète Oui).
De retour de notre « trip laverie ».
Notre weekend frisquet et enneigé fait partie de nos meilleurs souvenirs. Au petit matin dominical, 10 à 15 cm de poudreuse nous attendent sur le plateau (vite fondus). Au pays des marmottes, des rapaces, des loups et des chamois, c’est une autre histoire : jusqu’à 60 cm de neige voire plus au-delà de 2200 mètres.
Sous la neige le 25 mars.
Et le lendemain, à l’entrée des gorges…
… et sur le plateau voisin.
Le lendemain de bonne heure, on s’empresse de prendre la navette vers une station d’altitude. C’est parti pour 8 heures de rando en raquettes dans le grand blanc. Au froid piquant du matin succède le coup de bambou du début d’aprèm’. A 2200 mètres en versant sud, ça chauffe en ce 27 mars 2017. On termine la journée gonflés au soleil. Un peu trop pour moi. Tellement de lumière emmagasinée qu’elle envahit mon cerveau somnolent en début de nuit.
Vue sur le sud depuis le col…
… avant le gros réchauffement lors de la montée en début d’après-midi.
Les effets de ma légère insolation s’estompent lentement. On poursuit notre train-train d’emménagement/découverte entre extérieur ensoleillé et ambiance demi-sous-sol, sous les toits de notre immeuble à murs épais du XVIIIème.
Loin des foules urbaines, il y a du monde à rencontrer à la porte des hautes montagnes. Même hors saison. Un couple de jeunes architectes, « en concurrence » avec nous six semaines plus tôt pour dégoter un appart’, nous aperçoit lors d’un de nos dîners à la belle étoile. Ils nous invitent à deux (cent) pas de chez nous, en compagnie d’un autre jeune couple tout droit sorti d’un hameau isolé et haut perché. L’occasion de mieux connaître la vie locale, ses turpitudes économiques et écologiques, et d’apprécier leur gentillesse : ils nous proposent de loger chez eux pendant notre vie déconnectée. Les deux architectes, opposants au projet de ligne à très haute tension transalpine, nous proposent un coup de jus. On choisit la lampe frontale et la bougie.
Le 1er avril, une soirée à la bougie comme les autres.
Avec deux réunions coup-sur-coup en soirée, le jeudi de deuxième semaine a des allures de jour de grande sortie… à la mairie.
Première réunion autour de la biologie du loup dans une salle comble. Les éleveurs débarquent en force. Ils font régner un climat de classe de collégiens turbulents devant un conférencier-naturaliste irrité. Le reste du public peine à rester concentré. Les éleveurs trustent la totalité de la discussion post-exposé. L’impact de leur ennemi privé number one sur leurs troupeaux exclut tous les autres sujets. Ça aurait pu être l’occasion d’aborder les méthodes efficaces de cohabitation entre loups, éleveurs et écolos (émetteurs GPS placés sur des représentants de meutes pour permettre aux bergers de les éviter en été, etc.). Ça aurait dû être l’occasion de comprendre le rôle écologique du loup (sur les ongulés et les écosystèmes en général). Le conférencier l’a juste survolé. Dans le même temps, les gouvernements et les parlements successifs ne gèrent pas l’argent public consacré au loup en faveur d’une cohabitation sereine. Au contraire, ils durcissent les conflits. Pas de dialogue, juste un débat énervé et stérile. Je vais voir ce que je peux faire de mon côté.
Du coup, on n’est pas mécontents d’enchaîner avec notre deuxième petite réunion sur la mise en place de sites de compost. Les intervenants de la mairie et du syndicat compétent en la matière sont très motivés. Ils prennent le temps d’expliquer le projet à un novice dans mon genre. On sera même « référents compost » ! Ce sera toujours ça de moins qui s’accumulera dans le giga-site d’enfouissement des déchets (Véolia) en plein lit majeur de la plus grande rivière régionale.
Le lendemain, on se défoule sur un sentier de vallée escarpée entre résineux, feuillus, parois rocheuses et torrent grossis à la neige des alpages.
Ce jour-là, comme les autres, les belles balades, le réchaud Campingaz et la sieste dans une piaule sans électricité ni eau chaude nous suffisent amplement.
De retour de notre rando sportive du 4 avril, face aux montagnes enneigées qu’on a hâte de parcourir…
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